Quand on assite à un spectacle de marionnettes on ne voit pas les marionnettistes, mais on les devine aux manettes dans l’ombre. Toute leur habileté est de s’effacer derrière des personnages qui paraissent libres de se mouvoir et de s’exprimer. Il en va de même aujourd’hui avec Emmanuel Macron. Il se veut non seulement le « maître des horloges » mais également le « magicien des ficelles ». Conforté par des législatives triomphantes, le chef de l’Etat dirige désormais la manoeuvre à son rythme avec une constante : ne pas apparaître en première ligne tout en restant chef d’orchestre. Par son positionement central, le nouveau président force les deux partis instituionnels de la Cinquième République, à trouver de nouveaux espaces de visibilité. Irrémédiablement une fraction des Républicains va opter pour la ligne droitière incarnée par des figures comme Eric Ciotti ou Laurent Wauquiez. Une autre va rechercher le rapprochement avec le gouvernement à l’image des constructifs qui souhaitent avoir leur propre groupe au Palais Bourbon. Pris entre deux forces centrifuges En marche et le Front National, la droite traditionelle est en recherche de logiciel gagnant. Elle n’est pas la seule, car le Parti Socialiste dont l’effondrement historique s’accompagne de la poussée des Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, doit lui aussi recalculer son cap idéologique. Comme les Républicains il a vu une partie des siens s’inscrire dans la majorité présidentielle et ses troupes ont fondu de manière cataclysmique. De part et d’autre du paysage politique les anciennes chapelles ont besoin de grands ravalements. Cela exigera des idées nouvelles et surtout des leaders capables de fédérer. Or faute de chefs charismatiques, on observe pour l’instant l’émiettement là ou le rassemblement devrait s’imposer. Dura lex sed lex, les astres dominants d’hier sont devenus des satellites jupitériens qui doivent s’habituer à leurs nouvelles orbites. Libre de tout compromis, avec un allié Modem qui va sortir du gouvernement tôt ou tard sous la pression des affaires le visant, Emmanuel Macron est plus que jamais le grand marionnettiste.
Piège
1 JuinÀ vouloir être absolument sans tâches on prend le risque de se retrouver souvent en prise avec des choix cornéliens. Emmanuel Macron a mis la transparence au premier rang des critères retenus pour les hommes politiques. Condition incontournable pour prétendre jouer un rôle national. Noble dessein mais dur à traduire en réalité concrète tant les méandres du pouvoir sont complexes. Car comme on pouvait s’y attendre la nuance pèse peu face à la vox populi. Le cas Richard Ferrand illustre cette position difficile à tenir. Pour des activités passées non illégales mais devenues inadmissibles, dans le climat de morale extrême sous lequel nous vivons, cet homme clé du système Macron se retrouve dans les cordes. Tôt ou tard il devra quitter son poste ministériel. Et le président ne pourra pas lui maintenir longtemps la tête hors de l’eau car il se mettrait en contradiction avec les principes qu’il a lui même posés. Chaque jour qui passe voit la main secourable qu’il tend à son compagnon de route devenir de moins en moins ferme. Le lâcher prise n’est plus qu’une affaire de jours sutout depuis que le parquet de Brest a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire. On imagine difficilement celui qui se veut chevalier blanc, se renier dès sa prise de fonction en soutenant un fidèle de plus en plus plombé par les diverses révélations qui sortent dans la presse. Mais l’enfer est souvent semé de bonnes intentions et on voit se profiler le piège diabolique de l’éternelle remise en cause d’un élu ou d’un responsable politique au moindre fait condamnable par l’opinion. Situation qui risque de produire un climat généralisé de méfiance à fleur de peau. Attention toutefois à ne pas instaurer la Terreur médiatico populaire en critère de bonne gouvernance, où l’innaceptable dépendrait uniquement de l’air du temps et de l’humeur des foules. L’ennui c’est que la voix du droit est moins audible que celle des accusateurs, qui ne veulent plus entendre parler du moindre comportement jugé contraire à leur vision du convenable. Et du coup le piège dans lequel François Fillon était tombé en se faisant passer pour la vertue incarnée avant ses déboires financiers, se dessine pour le nouveau chef de l’Etat. Pour l’éviter mème s’il lui en coûte, Il doit tenir la parole promise en politique interne comme dans les affaires internationales . C’est pour cela que le départ immédiat de Richard Ferrand est un sacrifice nécessaire.
Stratège
17 MaiIl y a une frénésie tous azimuts qui s’empare du monde politique et d’une partie de l’opinion depuis qu’Emmanuel Macron est devenu le plus jeune chef d’état de la Cinquième République. Cependant la cure de jouvence que viennent de nous donner les urnes, ne doit générer ni crainte excessive ni euphorie extatique. Il est indéniable que le parcours victorieux du nouveau président a donné un grand coup de balai aux habitudes instituées. Le temps des passages obligés par les partis dominants et des années de mandats, n’est plus la seule norme d’accès au pouvoir suprême. La trajectoire fulgurante d’Emmanuel Macron et de son mouvement En Marche, vient de redistribuer les cartes d’un jeu politique qui sentait de plus en plus la naphtaline. Paradoxalement ces réaménagements n’annoncent pas une démolition en règles des fondations de notre système politique. Il existera toujours des familles de pensées aux visions opposées. L’extrême droite comme la France insoumise, ne seront jamais diluées dans un consensus mou, qui appauvrirait notre vitalité démocratique. N’oublions pas que le vainqueur du 7 mai n’est pas un homme providentiel, mais juste un nouveau président qui s’est coulé dans la pompe de la fonction, dès les premières heures de son mandat. Sa marche triomphale dans la cour du Louvre n’était que la prolongation de celle de François Mitterand au Panthéon en 1981. Le ton de ses discours et ses premiers gestes symboliques, ont reaffirmé son caractère de chef suprême au dessus des partis, guide et protecteur de la nation. Un retour à l’esprit de la Constitution qui n’a rien de novateur. Quant à la construction de sa majorité en affaiblissant les socialistes à gauche et les Républicains à droite, elle ne fait que s’inscrire dans la logique des choses. En nommant François Bayrou à la justice, Bruno le Maire à l’économie, Jean-Yves le Driant au quai d’Orsay, et Nicolas Hulot à la transition énergétique, Emmanuel Macron veut consolider un bloc transversal indispensable pour gagner les législatives et disposer d’une assemblée docile au Palais Bourbon. Si on ajoute les ralliements de tous bords de ceux et celles qui ne résistent pas à l’attrait des palais de la République, on saisit mieux la volonté présidentielle de rester le « maitre des horloges ». Il est succulent de noter au passage, que le chef du gouvernement Edouard Philippe tirait il y a peu encore, à boulets rouges sur un président sous les ordres duquel il devra désormais travailler. Ne soyons donc ni préssés ni aveuglés par l’euphorie des premiers jours. Seul l’avenir dira si les désirs de transparence, d’honnêteté des politiques et de transcendance des frontières traditionnelles, souhaités par le nouvel hôte de l’Elysée, augurent des temps nouveaux, ou rejoindront la longue cohorte des voeux pieux qui s’estompent au fur et à mesure que s’éteignent les clameurs des soirs victorieux.
Mépris
26 MarC’est tellement loin les départements et territoires d’Outre Mer, que pour nombre de métropolitains il s’agit presque de pays étrangers. Comme lors des grèves générales de 2009 en Guadeloupe, il aura fallu du temps pour qu’on commence à évoquer dans les médias nationaux les mouvements sociaux qui secouent actuellement la Guyane . Tout se passe comme si on masquait volontairement les situations difficiles que vivent les habitants de ces régions, que beaucoup imaginent uniquement en mode punch soleil plages et zouk. Non les Antilles la Guyane la Réunion et tous les bouts de France disséminés aux quatre coins du monde, ne méritent pas un tel mépris et un tel oubli. Malheureusement nos politiques en campagne pour l’Élysée n’en parlent guère. Certes ils y font la traditionnellle tournée électorale en bras de chemise, pour aller chercher les voix et distribuer des promesses, mais après ce passage obligé on éteint vite la lumière sur les Dom Tom jusqu’à la prochaine présidentielle. Cette invisibilité se retrouve dans moult domaines. Il n’y a qu’à observer la publication d’indicateurs types comme les chifres du chômage de la délinquance ou du coût de la vie. Leur analyse médiatique inclut rarement ces contrées dont les élus ne sont jamais invités dans les grandes émissions politiques. L’équipe nationale de football ne va quasiment jamais y jouer. Pourtant ces territoires lui ont donné tant de joueurs d’exception. Hormis la dénonciation de l’assistanat étatique, on n’entend guère de discours nuancés. Qui évoque le monopole de certaines familles sur des secteurs entiers de l’économie ? L’insuffisance des hopitaux, écoles, tribunaux et infrastructures publiques ? La persistance des conflits raciaux ? Les quartiers délaissés ? et l’attitude exécrable de ces touristes qui se comportent commme jadis aux colonies ? Dans un tel contexte ouvrir les esprits sereinement sur ces compatriotes, que Césaire qualifiait avec justesse de « Citoyens entierement à part, plutôt qu’à part entière« , passe par une sortie obligatoire de l’ombre dans laquelle l’indifférence hexagonale s’évertue à les cantonner.
Macron président
7 MarDe nombreux acteurs politiques longuement nourris aux codes transis de la Cinquième République, ont du mal à changer d’époque et de stratégie dans la conquête du pouvoir. Ils sont immobilisés par des schémas qui volent en éclats face aux recompositions qui traversent les partis . À droite comme à gauche les lignes bougent. Le Parti socialiste et les Républicains ne constituent plus des blocs dominant sans partage. Ils doivent cohabiter avec un centre qui se reconstruit autour d’ Emmanuel Macron, un Front National enraciné, et la vision à gauche de la gauche d’un Jean Luc Melenchon. Ces changements s’accompagnent aussi du besoin de têtes nouvelles. Alain Juppé, François Hollande, Nicolas Sarkozy, sont sortis du jeu. Quant à François Fillon, un des dernier représentant de cette génération crépusculaire, il voit s’éloigner les portes de l’Élysée au fur et à mesure que les juges se rapprochent de lui. Conséquence de ce grand rebattage de cartes, le prochain chef de l’Etat s’appellera Emmanuel Macron. Il a pour lui la jeunesse et le succès de son mouvement En Marche. Presenté à tort comme une bulle médiatique par ses adversaires, il profite pleinement du désir de place nette dans les pratiques et les hommes qui parcourt l’opinion. Longtemps immuable en politique, la France des cathédrales des châteaux et des notables de province installés, doit faire aujourd’hui davantage de place à celle des meetings avec hologrammes et des dialogues électoraux via les réseaux sociaux. Si le plus jeune des candidats à la présidentielle n’est pas le recours parfait, il incarne sans conteste une aspiration populaire, qui ringardise les vieux leaders d’appareils sur l’air de « sortez les sortants« . Conscient de cette nouvelle donne Alain Juppé a préferé tirer sa révérence avec classe, estimant à juste titre que pour lui « il est trop tard« . Et même si des franges de l’électorat se radicalisent de part et d’autre du paysage national, ce ne sont pas leurs ténors qui gagneront le 6 mai au soir. Car désormais, c’est l’heure d’Emmanuel Macron, huitième président de la Cinquième République.
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Hara-kiri
2 MarComme un capitaine illuminé accroché obstinement à la barre de son vaisseau précipité sur les récifs, François Fillon ne veut pas entendre les cris de ceux qui lui hurlent de changer de cap. Il refuse obstinément son retrait de la campagne présidentielle, malgré sa convocation par la justice pour des soupçons d’emplois fictifs, concernant sa femme et ses enfants. Mais sa fermeté désespérée et désespérante n’est plus qu’une aventure déboussolée. Cette fuite en avant ne pourra rien contre la réprobation grandissante d’une opinion publique, qui a changé d’époque dans sa relation aux politiques. Elle ne supporte plus les atteintes à la morale et à la transparence. Elle ne veut plus absoudre en se taisant.Elle n’hésite plus à bouter dehors ceux qui se croient inamovibles. Pour Francois Fillon la Roche Tarpeienne est plus que jamais proche du Capitole. D’où les départs de ses soutiens qui jugent lucidement qu’avec lui la partie est déjà perdue face à Emmanuel Macron. En perdition dans un contexte qu’il maîtrise de moins en moins, Il réagit avec des réflexes du passé en appelant au peuple français. L’invitant presque à descendre dans la rue. Mais celui-ci ne l’a pas réclamé à corps et à cris comme sauveur providentiel. Il se présente comme le détenteur d’une légitimité bafouée, mais ses accents de victime assassinée par un complot mediatico-judiciaire sonnent à contretemps. Sa posture en mode j’y suis j’y reste, ressemble de plus en plus à de l’imposture, car elle contredit sa référence au général De Gaulle dont il revendique haut et fort la filiation. Quand il dit « La France est plus grande que mes erreurs » il place l’honneur national au dessus de tout. Qu’il en tire donc les conséquences en laissant le champ libre à un autre candidat. Comble d’ironie c’est Alain Juppé le rival largement battu lors des primaires, qui pourrait au final incarner ce recours salvateur. François Fillon est désormais le gage d’une défaite annoncée, pour une droite qui n’avait plus qu’a se baisser pour ramasser les clés de l’Élysée.
E
Humilité
9 NovJe me suis trompé sur l’élection présidentielle americaine et je le reconnais humblement. Donald Trump est désormais président des Etats Unis, et Hillary Clinton qui fut si proche d’entrer dans l’histoire, disparaît de la scène après deux échecs cinglants. Les alarmistes et les analystes vont se jeter avec emphase sur le danger que représente le nouveau locataire de la Maison Blanche. Mais l’heure n’est plus à l’indignation sur ses propos racistes homophobes sexistes et islamophobes. L’essentiel est de tirer les enseignements de ce résultat qui a pris tant de monde au dépourvu. Cela signifie ne pas négliger les signes qu’envoient les « sans voix » car leurs bulletins de vote savent les faire entendre. Cela signifie ne pas minimiser les vents de populisme qui s’ installent dans nos démocraties, en croyant naïvement qu’ils se briseront sur les remparts de la raison. Cela signifie que le manque d’expérience comme de corpus idéologique solide, ne sont plus des handicaps absolus préservant des séismes politiques. Pour autant ne transposons pas automatiquement les réalités d’ outre atlantique chez nous même si plusieurs candidats en lice pour 2017 se prennent à rêver d’un destin à la Trump. On se calme ! Il serait hasardeux de penser déjà à la victoire d’une Marine le Pen ou d’un Jean Luc Melenchon en mai prochain car les traditions politiques françaises n’offrent pas de place aux irruptions gagnantes. En revanche cette nouvelle donne américaine nous renvoie en urgence vers les principes et les valeurs qui fondent nos rapports aux autres, pour ne pas les jeter par la fenêtre et les réaffirmer avec force. Il n’ y a donc pas de place pour la peur et le pessimisme devant les échéances électorales du printemps prochain car l’heure est au combat. Ayons plutôt l’ humilité de ne sous estimer personne et le courage de ne pas céder à des sirènes incompatibles avec nos idéaux . En ce sens la victoire de Donald Trump est finalement un bel aiguillon démocratique.
Vivre
18 JuilLe terrorisme voyage en liberté dans notre monde en convulsions . Le drame de Nice survenu un 14 juillet, n’est hélas qu’une des nombreuses escales qui jalonnent son parcours sans frontières. Depuis le 11 septembre les opinions publiques occidentales savent douloureusement que les bombes les expéditions meurtrières et les assassinats s’invitent désormais dans leur quotidien. Il n’existe pas de repaires efficaces à l’ abri desquels nous pourrions nous protéger de ce fléau. il subsistera toujours des failles dans nos systèmes de protection où s’engouffreront les assassins de tous ordres. Cette vulnérabilité rend la lutte complexe, car nous ne sommes pas en guerre au sens de conflit frontal ouvert, contre un ennemi clairement défini et localisé. Nous sommes davantage entraînés dans un engrenage multiforme qui nous laisse pantois à chaque attentat, car l’horreur refusée par notre humanité, est sacralisée par ceux qui fauchent des vies innocentes par fanatisme. La riposte si ferme soit-elle ne signifie pas pour autant renoncement à l’essence de nos sociétés construites sur le droit et des principes intangibles. Face à la vague terroriste quelle que soit son origine ses motivations politiques religieuses ou autres, on peut restreindre certaines libertés, augmenter les moyens d’action, mais prenons garde de ne pas mettre la démocratie et les droits de l’homme entre parenthèse de manière durable. Évitons fermement la récupération politique opportuniste comme ce fut pitoyablement le cas après le drame niçois. Veillons plutôt à resserer ces liens qui nous soudent au-delà de nos différences, car répondre à la haine uniquement par la surenchère verbale donnerait le sourire aux pourfendeurs de tolérance que nous combattons. En dépit du sang c’est la vie qui doit gagner et continuer. Même si les corps massacrés, les regards hagards, les blessures physiques et psychologiques des victimes de Nice du Bataclan et d’ailleurs, resteront à jamais insoutenables.
Je doute…
24 Déc…Je doute que la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux coupables de terrorisme soit une décision qui fasse peur à des hommes qui choisissent de répandre la mort, et dont les références à la France se traduisent uniquement par la haine. Je doute de l’impartialité de cette mesure car elle institue deux catégories de français quels que soient les discours rassurants de nos décideurs. Une même punition pour un même crime pour tous les français qu’ils aient une double nationalité ou pas serait vraiment égalitaire. Je doute car je redoute toutes les incitations aux replis identitaires. Je doute car personne ne nous dit quelle sera la solution lorsque l’autre état refusera d’accueillir le ressortissant expulsé qui deviendrait de fait apatride ce qui est interdit par les conventions internationales.Je doute car cette mesure donne un satisfecit aux opposants du droit du sol qui ne manqueront pas de pousser leurs pions restrictifs en s’appuyant sur la constitution. Je doute car les tactiques politiques ne sont pas absentes de la décision présidentielle quand on nous parle de valeurs. Je doute car j’entends déjà le bruit sourd de certains discours populistes faire de certains français à part entière des français à part en flattant certains réflexes douteux.’ Je doute car quand l’émotion prend le pouvoir, la courte vue devient l’horizon, et recourir au symbolique quand l’urgence est le combat efficace c’est agir à contretemps.
.Je doute car c’est ma liberté de citoyen tout en étant aussi républicain que ceux qui ne pensent pas comme moi